Monday, July 4, 2011

04/07 Les éléments qui font vaciller la crédibilité de Nafissatou Diallo

LEMONDE.FR | 04.07.11 | 20h12  •  Mis à jour le 04.07.11 | 20h28
La une du tabloïd new-yorkais "Daily News", le 2 juillet.
La une du tabloïd new-yorkais "Daily News", le 2 juillet. REUTERS/ALLISON JOYCE
De mauvaises fréquentations, des mensonges sur son passé, des fraudes fiscales, une chronologie des faits aléatoire : mis bout à bout, les éléments accumulés par les services du procureur après la révélation d'une écoute téléphonique compromettante ont fini par ternir le portrait de Nafissatou Diallo. Bien que rien ne permette, à ce jour, de savoir ce qui s'est véritablement passé dans la suite 2806 du Sofitel de New York, ce 14 mai, le crédit de la plaignante, qui accuse DSK de tentative de viol et agression sexuelle, est largement entamé.
Des mensonges sur son passé
Les enquêteurs ont fouillé loin dans la vie de la jeune femme, rappelait le New York Times samedi 2 juillet.
  • Sa demande d'asile
Questionnant sa vie dans son pays d'origine, la Guinée, ils ont exhumé sa demande d'asile, faite aux Etats-Unis en 2004. Au départ, Nafissatou Diallo a livré aux enquêteurs le même récit qu'aux services de l'immigration sept ans plus tôt, sous serment : des soldats avaient détruit la maison où elle vivait avec son mari. Tous deux avaient été battus en raison de leur opposition au régime. Son mari était mort en prison.
Elle reconnaîtra plus tard que tout ceci est faux, lors d'un nouvel entretien avec les services du procureur de Manhattan : cette histoire, elle l'avait apprise par cœur à partir d'un enregistrement sur une cassette audio qu'un homme lui avait donné.
  • Sur un précédent viol
Par deux fois, Nafissatou Diallo a raconté aux services du procureur avoir été violée par plusieurs hommes dans son pays d'origine, fournissant, selon un documentrévélé vendredi par le New York Times, "de nombreux détails sur les circonstances de l'agression". "Durant ces deux entretiens, la victime a pleuré et semblait manifestement profondément angoissée en racontant l'incident", lit-on dans cette lettre émanant des services du procureur. Mais lors d'autres entretiens plus approfondis, elle a reconnu que ce viol collectif n'avait jamais eu lieu : ce n'était qu'un des éléments contenus dans l'histoire enregistrée et mémorisée pour sa demande d'asile. Elle a cependant maintenu avoir été violée dans son pays d'origine, mais pas dans les circonstances décrites lors des entretiens.
Des mensonges sur sa vie actuelle
Toujours selon la lettre qu'ils ont communiquée à la défense, les services du procureur ont mis en évidence que Nafissatou Diallo était coupable d'une série de fraudes :
  • Fraude fiscale
Ces deux dernières années, Nafissatou Diallo, mère d'une fille unique de 15 ans, a déclaré un second enfant à charge, celui d'un ami, pour bénéficier d'avantages fiscaux.
  • Logement social
La femme de 32 ans, qui vivait dans un immeuble de logement social du Bronx, a volontairement sous-estimé ses revenus pour pouvoir conserver son appartement.
  • Plusieurs comptes bancaires
Elle a régulièrement affirmé que son travail au Sofitel était son unique source de revenus. Mais les enquêteurs ont découvert qu'elle était en réalité propriétaire de plusieurs comptes, en Arizona, en Géorgie, à New York et en Pennsylvanie sur lesquels plusieurs personnes, certaines poursuivies par la justice, avaient procédé à des transferts d'argent d'un montant total de 100 000 dollars.
  • Cinq téléphones portables
Elle avait déclaré aux enquêteurs ne détenir qu'un seul téléphone portable. Seul celui-ci avait donc été placé sur écoute. Mais elle en détenait quatre autres, par lesquels elle communiquait notamment avec un détenu en Arizona.
Des mensonges sur son récit du 14 mai, jour des faits présumés
  • Sur la chronologie des faits
Selon la lettre transmise à la défense par les services du procureur, la plaignante a, à de très nombreuses occasions durant les semaines suivant les faits dénoncés, affirmé qu'après avoir été agressée sexuellement par l'ex-directeur du FMI dans la suite 2806, elle s'était enfuie et avait attendu, prostrée, dans un recoin du couloir du 28e étage, de voir l'homme quitter sa chambre et prendre l'ascenseur. Ce n'est qu'après qu'elle était allé rapporter l'incident à son supérieur qui avait gagné l'étage.
C'est cette version qu'elle a présentée en mai devant le Grand Jury, sous serment.
Mais la femme de chambre a modifié son témoignage mardi 28 juin : elle a reconnu que son compte-rendu des faits était faux et qu'après l'incident, "elle avait procédé au nettoyage d'une chambre voisine puis était revenue dans la suite 2806 qu'elle avait commencé à nettoyer avant de rapporter l'incident à son supérieur" indique la lettre. "Elle ne savait pas quoi faire, a justifié son avocat Kenneth Thompson, cité par le New York Times. Elle ne voulait pas perdre son boulot. Elle savait que son supérieur allait monter dans les étages d'un moment à l'autre. Alors, elle a été faire une autre chambre".
Cette seconde version n'est cependant pas corroborée par les données contenues sur son pass magnétique : selon le NYT, elles révèlent que la femme de ménage ne s'est rendue dans la chambre voisine qu'après avoir fini le ménage dans la chambre de M. Strauss-Kahn.
  • Une conversation téléphonique décisive
Bien qu'un portrait de l'ex-directeur du FMI soit affiché, comme celui de tous les VIP fréquentant l'hôtel, dans le vestiaire du personnel du Sofitel, Nafissatou Diallo a toujours affirmé qu'elle ne savait pas qui était Dominique Strauss-Kahn. Mais une conversation enregistrée vingt-huit heures après les faits présumés entre elle et un ami, détenu en Arizona dans le cadre d'une enquête pour trafic de drogue, laisse supposer le contraire. "Elle a dit quelque chose comme : 'Ne t'inquiète pas, ce type a plein d'argent. Je sais ce que je fais' ", rapporte un enquêteur au NYT.
Cet appel, décisif, n'a pas été enregistré par les services du procureur de New York : seul le portable dont elle avait déclaré l'existence était à cette date sur écoute. C'est dans le cadre de l'enquête sur le trafic de drogue que la conversation était écoutée, par la police de l'Arizona. Mais la conversation était en langue peul. Ne présentant a priori pas d'urgence particulière – car personne n'avait reconnu Nafissatou Diallo – elle est mise de côté dans l'attente d'un traducteur : il faudra un mois et demi pour qu'au moment de la traduction, les enquêteurs fassent le lien avec l'enquête new-yorkaise. Ils découvriront alors ses mensonges sur son nombre de téléphones, ses comptes bancaires non déclarés, et confronteront mardi 28 juin Nafissatou Diallo à ses incohérences. Ce n'est que par la suite, au vu de tous les éléments rassemblés, qu'ils donneront définitivement l'alerte sur sa crédibilité. (Sur cet appel décisif, lire l'enquête du Monde "Le pari perdu de Cyrus Vance Jr")
Rumeurs de prostitution
Depuis le retournement de situation du 30 juin, le tabloïd américain The New York Post qui s'était distingué au début de l'affaire par son traitement sans nuance, très à charge contre Dominique Strauss-Kahn, s'est lancé dans un impressionnant rétro-pédalage, titrant désormais : "Femme de chambre et prostituée". "Il y a des informations sur le fait qu'elle touchait des pourboires extraordinaires, si vous voyez ce que je veux dire... Et ce n'était pas pour ramener des serviettes supplémentaires..." aurait affirmé une source issue des enquêteurs de la défense au quotidien, qui avance la thèse de la colère d'une "professionnelle" mécontente de ne pas avoir été payée pour une passe. Les services du procureur n'ont jusqu'ici communiqué aucune information sur une possible relation rémunérée.
    Le Monde.fr

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