Un nouveau séisme ravive le cauchemar du 11 mars au Japon
| 08.04.11 | 12h41 • Mis à jour le 08.04.11 | 14h19
OTSUCHI (JAPON), ENVOYÉ SPÉCIAL - "C'est le retour du cauchemar…" En pyjama, le patron de l'auberge est sorti en trombe de sa chambre. Il est un peu avant minuit et la maison de bois s'est mise à trembler de toutes ses parois. Il y a d'abord eu un bruit sourd – "le grondement de la terre", dit-on ici. Puis les vibrations ont monté en puissance, pour atteindre une magnitude de 7,1. C'est la plus forte réplique depuis le séisme du vendredi 11 mars. Mais cette fois-ci pas de vague géante, pas de tsunami.
A Otsuchi (15 000 habitants), une ville au bord de la mer dans la préfecture d'Iwate, ce nouveau tremblement de terre a provoqué l'effroi parmi les sinistrés. Otsuchi a été l'une des villes les plus ravagées par le tremblement de terre du 11 mars.
Il ne reste rien, que des décombres et des ruines de débris. On compte 600 morts et plus d'un millier de disparus. Et 9 000 personnes ont été évacuées. "C'était comme le 11 mars et on s'est précipité pour évacuer", dit cette mère de famille sinistrée qui vit dans un centre d'accueil de Shiroyama sur une colline qui surplombe la ville.
Du cimetière un peu en contrebas mais suffisamment haut pour ne pas être touché par les vagues s'offre un paysage de désolation. Une jeune femme assise sur l'escalier fume une cigarette en pleurant silencieusement. "Ma famille est quelque part là-bas", dit-elle en montrant la ville qui n'est plus.
Après la réplique, certains sont partis en hâte, en pleine nuit. Sur les routes, on pouvait voir des centaines de phares de voiture briller. Pour aller où ? Quelque part, plus en hauteur.
"JAMAIS ON AURA DE RÉPIT"
D'autres restent stoïques. Comme ce vieux couple affairé, près d'un tuyau dans les ruines d'où coule de l'eau douce sans discontinuer. Ils font leur lessive. "Nous sommes habitués aux secousses mais, cette fois, elle a été très forte", dit l'homme. "On a pensé : encore une fois. Jamais on n'aura de répit…" "La maison ? Emportée le 11 mars. Elle était là-bas." La préoccupation immédiate de tous ? L'avenir, s'il en existe un. "Que va-t-on devenir? On n'a plus rien, ni maison, ni bateau pour mon mari qui était pêcheur", dit une femme en pleurs.
Par sa force, cette nouvelle réplique a rappelé que rien n'est fini et que la terre gronde toujours, faisant tomber d'un cran l'espoir que peu à peu les sinistrés construisaient. La plupart pensent à refaire leur vie. "Ici" pour certains, "loin de la mer" pour d'autres. Tous s'efforcent de trouver un équilibre. "Mourir, finalement c'est quoi ? Moi j'ai survécu, lui est mort. Personne ne peut critiquer le destin. Mais pourquoi lui et pas moi ?", s'interroge le vieil homme en continuant à essorer son linge.
Frêle et pâle dans son survêtement trop grand, Kayo Iwama, 73 ans, a tout perdu. De sa maison, il ne reste qu'une plaque de béton. Le 11 mars elle était chez elle."J'ai senti que quelque chose de terrible allait se produire", raconte-t-elle. Elle a enfourché son vélo et a pédalé de toutes ses forces : "C'était comme dans un film d'horreur, la vague était juste derrière moi." Et l'a engloutie. Pendant trois heures, elle a surnagé, et a été sauvée.
D'un belvédère dominant la majestueuse baie au fond de laquelle se nichait une vue qui n'est plus, un couple d'amoureux solitaire s'étreint. La vie repart, envers et contre tout…
Philippe Pons
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